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Chronique
Si vous me cherchez, je suis au pilori !
Si vous me cherchez, je suis attachée en place publique, au pilori. J’ai honte, mais surtout je suis en colère comme j’étais en colère en rentrant de l’école à 6 ans quand la maîtresse m’avait pris tous mes bons points avec ces mots : « Vous êtes une élève remuante ».

Par Huguette Dreikaus Je me souviens de ces drames de 15h30, quand Mademoiselle Bieth venait vers moi pour m’extirper les petits carrés roses si mérités par les calculs justes, les réponses pertinentes et les dictées sans faute. « Donnez-moi les bons points, vous avez trop bavardé ». Je me rebiffais, j’ai même mordu la main de la maîtresse qui voulait prendre de force les bons points rangés dans la poche du tablier que ma grand’mère avait cousue exprès pour ça. Je ne comprenais pas cette cruauté et cette injustice. Oui, cette injustice, car les autres bavardaient aussi mais elle ne leur prenait pas les bons points : ils n’en avaient pas. Aujourd’hui je me demande si Mademoiselle Bieth n’est pas devenue administratrice des radars de la région ? Car j’ai reçu à deux semaines d’intervalles la même lettre : « Vous nous rendez un point » et 90 €. Motif : « excès de vitesse ». Oui, je suis un danger public. J’ai été flashée à Bischheim à 112 km/h au lieu de 110 et à Haguenau à 51 au lieu de 50.

« Ah, quand ça vient de Rennes... »

Je n’ai pas pu mordre la main de l’agent : il n’y en a pas. Il n’y a plus d’être humain qui vous arrête, vous fasse le gros doigt et vous dise : « Pour cette fois ça va, mais que je ne vous y reprenne plus ». Je lui aurais expliqué que je garde toujours l’oeil rivé sur le compteur pour être dans la légalité la plus totale mais que parfois, la mauvaise vue aidant, il peut y avoir une légère erreur. Ces détails, tu peux juste encore les raconter aux copines qui en avaleraient leur part de gâteau au chocolat de travers. A la gendarmerie, on a levé les bras au ciel. « Ah, quand ça vient de Rennes ! ». Un policier que j’aime parce que je lui ai donné la vie a même ri : « C’est c... de se faire prendre à cette vitesse-là ». Alors je me suis assise dans mon fauteuil et je me suis remémorée les images de ces camions qui me poussent vers la glissière de l’autoroute pour me dépasser, ces voitures qui me doublent en trombe pour se rabattre aussi sec, ces impatients qui m’emboutiraient pour pouvoir passer, et j’ai eu les mêmes larmes que les jours où mademoiselle Bieth me prenait les bons points. Et puis j’ai pensé à la philosophie de Catherine, le Zorro de mes désespoirs, qui m’a dit :« Ça aurait pu être pire, tu aurais pu avoir un accident ».

Les boîtes électroniques dominent le monde

Je vous le dis, tout devient anonyme, même les PV. Ce sont les boîtes électroniques qui dominent le monde, c’est une boîte électronique qui doit t’alpaguer, c’est un ordinateur qui imprime les contredanses, même le paiement est informatisé. Le seul être humain que tu rencontres c’est le facteur, celui qui doit distribuer le courrier de Rennes. C’est lui que tu finirais par mordre s’il n’était pas déjà mordu par les chiens. C’est lui que tu finirais par bouder si tu ne le savais pas déjà en sursis à cause du courrier électronique.

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